Qu’est-ce qu’un contrat intelligent ?
Hassan :
« Depuis 2014 la blockchain Ethereum, introduit un principe novateur, le contrat intelligent (Smart contrat). Ce « contrat » programmable, est lui aussi hébergé sur une blockchain, et il est autonome une fois déployé. Ces Smarts Contracts sont la base du développement exponentiel des applications et usages de la blockchain tels qu’on les voit aujourd’hui dans les services financiers, les assurances, l’art, la culture, l’industrie ou encore l’immobilier. On peut donc intégrer de la logique métier dans une blockchain, et s’assurer que ce code pilote un processus en toute autonomie et en se passant encore une fois d’un tiers de confiance ou intervenant.
Ces principes ne sont néanmoins pas nouveaux et dates des années 1980 et 1990, décennies durant lesquelles des chercheurs comme Nick Szabo et David Chaum chercheront à augmenter la portée et l’usage des contrats en utilisant des outils cryptographiques pour en sécuriser le bon fonctionnement, mais aussi améliorer leur appropriation pour des usages contractuels liés au commerce électronique qui se développait rapidement à cette époque. »
Pourquoi et quand utiliser un contrat intelligent ?
Hassan :
« Un contrat intelligent permet donc la construction, la gestion et la maintenance de processus opérationnels et métiers en toute sécurité et autonomie sur une blockchain. Le code une fois déployé est immuable, et va s’exécuter sans aucune intervention humaine afin d’appliquer les règles et conditions codées.
On utilisera donc un contrat intelligent pour exécuter tout ou partie d’un processus, d’une transaction, d’un contrat financier ou tout autre clause, dès lors qu’on souhaite qu’il soit autonome, sécurisé, transparent, auditable, fiable et immuable. Ces contrats n’ont pas besoin d’une interface pour s’exécuter, ils sont parfaitement autonomes, et peuvent cohabiter avec des Oracles qui eux vont sourcer des données en provenance de monde extérieur.
Dans les exemples concrets d’usage :
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- automatiser le paiement de royalties liés à l’industrie de la musique, de l’art ou de la culture (i.e. accord de distribution ou de consommation),
- développer des services de finances décentralisés, payer des primes de d’épargne ou encore de staking,
- mettre en place des titres de propriétés fractionnés pour l’immobilier ou la détention d’actifs mobiliers, d’options, d’actions, ou autre titres financiers,
- déployer un smart contrat qui réalisera automatiquement le règlement d’un sinistre si les conditions spécifiés sont remplis,
- déployer une identité digitale décentralisée, permettant à son propriétaire de décider qui a le droit d’utiliser cette identité,
- mettre en œuvre un dossier médical, et permettre là aussi à un patient de détenir ses données médicales tout en décidant quel practicien peut accéder à quelle information,
- pour orchestrer la vente ou l’achat de biens qui sont généralement pilotés par des notaires,
- Et bien d’autres. »
Qu’en est-il du développement des assurances paramétriques ?
Hassan :
« Pour rappel une assurance paramétrique permet d’indemniser un assuré non pas sur la base des dommages subis mais plutôt sur la base de certains paramètres prévus dans le contrat. Le plus souvent il s’agit d’observer le déclenchement de certaines conditions qui donneront lieu à une indemnisation forfaitaire.
Ce type d’assurance a très rapidement adopté la blockchain et le smart contrat comme architecture cible de fonctionnement. En effet le smart contrat va permettre d’automatiser et d’inscrire dans son code les conditions de déclenchement de l’indemnité, mais aussi son montant forfaitaire. Un oracle permettra quant à lui le plus souvent d’observer off-chain (donc hors blockchain) les conditions de déclenchement.
Parmi les exemples les plus fréquents, et que vous avez peut-être déjà utilisé sans vous en rendre compte on retrouve les assurances voyages, qui prévoient le paiement d’une indemnité forfaitaire lorsque votre vol à un certain nombre d’heure de retard (ou encore votre baguage). Votre contrat souscrit lors de l’achat de votre billet d’avion a été enregistré sur une blockchain, et ce dernier, va ensuite sonder régulièrement les horaires de votre vol via un oracle. Si les conditions de retard sont réunies l’indemnité est déclenchée et vous êtes indemnisé, voir une chambre d’hôtel réservée en votre nom.
Un autre exemple très répandu est celui des assurances qui protègent des risques climatiques. Une fintech très connue a d’ailleurs développé des produits spécifiques pour indemniser les fermiers des pertes de leur récoltes lorsque certaines conditions liée aux intempéries sont observées.
On estime aujourd’hui à plusieurs millions, le nombre de contrats d’assurances paramétriques sui s’appuient sur une blockchain afin de fonctionner en toute autonomie. Les gains sous-jacents sont colossaux car non seulement le contrat d’assurance est sécurisé sur une blockchain décentralisée mais son exécution est rendue objective via le code du contrat intelligent et son indemnisation autonome via l’oracle. Vous n’êtes donc plus dépendant d’un gestionnaire qui pourrait avoir un regard subjectif sur le traitement de votre indemnité… on a éliminé non seulement les frictions dans le processus mais aussi les côuts de gestion qui peuvent plomber la rentabilité de produits d’assurances destinés à des populations fragiles. »
Quels sont les autres usages dans l’assurance ?
Hassan :
« Pour poursuivre la discussion aux usages dans l’assurance on peut aussi noter la capacité à mieux piloter la fraude et le risque.
Ainsi certains consortiums d’assureurs ont décidé de mutualiser les données liées aux déclarations de sinistres de leur région. En partageant leurs informations via le registre de données distribuée d’une blockchain (donc immuables, et infalsifiable), ils partagent en temps réel une version unique de ces déclarations, permettant d’identifier les doublons de déclarations que leurs assurés pourraient être tenté de réaliser auprès de différents assureurs.
Enfin s’agissant de la gestion des grands risques, certains re-assureurs ont compris que la blockchain pouvait être un atout majeur pour mieux partager et piloter les risques en partageant leurs données avec les multiples parties prenantes intervenant dans le process d’instruction et de valorisation de ces risques. Cela permettant in-fine des gains sur les coûts opérationnels et donc un accroissement de leur marge. »
Quels sont les 3 pièges à éviter dans le déploiement des contrats intelligents ?
Hassan :
« – Le smart contrat est aujourd’hui l’un des angles morts d’une blockchain, il faudra s’assurer de son audit avant son déploiement car une fois mis en place sur une blockchain impossible de revenir en arrière.
– Faire le bon choix entre un déploiement sur une blockchain publique ou privée selon le niveau de performance attendue, mais aussi le niveau de sensibilité des données exposées.
– Enfin, s’assurer de la fiabilité des données externes que consulterait un oracle dans l’exécution d’un smart contrat. »
Un projet ? Une problématique ?
Hassan El Bakkali, Directeur Associé chez Ceres Advisory